De l'Art Funéraire...

Photographie  01/11/2012 Ecritoire

De l'art funéraire...

 

 

 

Le cimetière est un lieu de pèlerinage périodique des vivants. C'est au cours de ce voyage que l'on prend conscience de l'histoire, de la progression qui part du « Champ de repos » au cimetière pour lequel on légifère pour arriver à la rédaction de la législation cimétériale.

La christianisation va rapprocher les vivants des morts. Les premiers chrétiens vont être enterrés dans des basiliques funéraires, construites en périphérie immédiate des villes. Ces édifices abritent les restes d'un martyr dont on espère la protection. Le rapprochement évoqué précédemment vient du fait de l'urbanisation progressive des faubourgs, qui conséquemment, ne font plus de ces basiliques, des lieux excentrés. Le rapprochement est aussi consécutif à la multiplicité des paroisses dès le 8ème siècle, siècle qui voit l'abandon des nécropoles rustiques dites « Champ de repos » au profit de cimetières installés en cœur de village. Durant le Haut Moyen-Age (476-888), le cimetière est un champ ouvert autour de l'église, il n'a pas de délimitation ni d'architecture propres. A partir du 12ème siècle, il sera clos de murs avec une croix plantée en son centre. Ce mur clos sera rythmé par des échaliers, sorte de murets permettant d'entrer dans le cimetière mais occultant le passage aux animaux. Il arrive, qu'au milieu de ces murets, existe pourtant un faible passage, il permettait simplement aux dames affublées de robes encombrantes de passer leur frêle jambe pour accéder à l'intérieur du cimetière en gardant toute la pudeur à laquelle elles avaient droit... A partir de cette époque, l'évolution du « Champ de repos » est terminée. La violation des sépultures est sacrilège. Le cimetière est un lieu sacré, il est aussi lieu d'asile et la vie s'organise autour de lui. Pour autant, on s'y promène, on s'y réunit, on y rend justice et l'on y fait commerce en tout genre (y compris celui de la prostitution). C'est pourquoi, en réaction à ces comportements, le Concile de Rouen en 1231 défend de danser en ce lieu, ou encore en 1274, le Concile de Lyon s'oppose au commerce des choses vénales sous le portique, entendez le porche, de l'église ou bien même dans le cimetière.

La hiérarchie s'impose dans les inhumations qui se font dans les églises pour les personnes nobles pouvant acheter une place à l'intérieur de l'édifice, elles sont possibles aussi pour les ecclésiastiques. Pour les autres personnes, plus modestes, elles pourront rejoindre la fosse commune ou être enterrées à l'extérieur du sanctuaire.

Un changement considérable va s'opérer au 18ème siècle. Le siècle des Lumières voit apparaître de nouvelles préoccupations, celles-ci sont sanitaires. C'est un changement radical car maintenant, on s'indigne de cette promiscuité entre les vivants et les morts. On prend grand peur à cause des odeurs pestilentielles qui règnent dans les églises malgré l'usage intempestif d'encens pour masquer celles-ci. Ces préoccupations débouchent sur des recommandations pour agrandir les cimetières voire, d'en créer d'autres extra-muros. Une ordonnance royale du 10 mars 1776 donne interdiction d'inhumer dans les églises, on impose l'inhumation des morts dans le cimetière. Puis la Révolution transfère la propriété des cimetières paroissiaux à la commune, le cimetière devient donc municipal et public. Le 19ème siècle achève de faire des cimetières ainsi déplacés et monumentalisés, le lieu privilégié du culte des morts. La loi de 1804 suivie de celle de 1843 imposent que les cimetières soient construits hors faubourgs et villages pour des raisons de salubrité. Ils deviennent des lieux laïques dans lesquels tout le monde peut être inhumé et sont placés sous l'autorité des communes. Quant à l'année 1887, elle voit la liberté des funérailles, chacun peut donc exprimer son choix. Enfin, avec la séparation de l’Église et de État, sous la pulsion d'Aristide Briand, les communes ont le monopole de l'organisation des funérailles. Apparition des contrats avec les Pompes Funèbres, la standardisation des pierres tombales et le caveau funéraire.

Dans le même temps, le cimetière est un lieu où l'art s'exprime : il s'agit de l'art funéraire. Cette expression protège un lieu porteur d'une mémoire. Les tombes sont,en quelque sorte, des  « archives de pierre » qu'il faut apprendre à déchiffrer. Les adeptes de ce travail sont des taphophiles, véritables passionnés des cimetières. Interpréter des tombes qui reflètent une époque sont autant de codes dans lesquels la religion a toute son importance. Les sculptures funéraires expriment le contexte dans lequel elles ont été réalisées. Elles donnent de nombreuses informations aux personnes étudiantes de ce patrimoine avec bien entendu tout le respect dû au lieu dans lequel se déroulent ces recherches. L'art funéraire se défini par la réalisation d'objets, de peintures, de sculptures qui sont en lien avec la mort. Ces réalisations accompagnent les dépouilles, les immortalisent, leur rend hommage. Elles peuvent être nécessaires à une vie après la mort. L'art funéraire dont l'origine remonte à des temps ancestraux (dès que l'Homme a commencé d'enterrer ses morts) apporte la connaissance aux populations, même non-alphabétisées, par la tradition et le respect de rites. Il est le moyen d'imager de façon perpétuelle l'aide que le vivant peut apporter aux morts pour un passage plus serein vers l'au-delà. Il aide à gérer les émotions de peur ou de tristesse et déculpabilise par le beau et l'esthétique le vivant face à la mort d'un proche. Plusieurs axes de recherches sont à suivre pour les taphophiles. On peut trouver des renseignements sur les ateliers de tailleurs de pierre des environs. La forme de la pierre tombale donne des informations grâce au classement dans son évolution. L'iconographie retenue pour orner ces pierres tombales : vertus théologales, livre contenant la doctrine chrétienne, des larmes, des couronnes mortuaires ou autres ostensoirs et calices, des croix pâtées... Identifier le corpus des inscriptions ou encore la métrologie sont autant de pistes à suivre.

Les monuments du 16ème siècle sont de petits monuments hauts d'une cinquantaine de centimètres, taillés en un seul bloc de pierre. Avec le temps, les monuments sont constitués de plusieurs éléments. Ils sont plus larges, plus hauts et peuvent atteindre deux à trois mètres dans le courant du 19ème siècle. Ils deviennent un signe extérieur de l'importance de famille. Les éléments décoratifs qui ornent le tombeau évoluent avec l'art en général. Le phénomène de mode s'applique aussi à l'art funéraire : le crâne et les tibias croisés dans la période des Vanités, un sablier signifiant le temps qui s'écoule ou bien encore un cierge brisé qui symbolise la vie qui s'est arrêtée. Des mains entrelacées évoquant le couple, des larmes, une couronne de perle attachée à la croix. Des signes de reconnaissance permettant d'évoquer et de caractériser le défunt. Attributs liturgiques, militaires. Des armoiries figurant le rattachement à une dynastie familiale. Des symboles patriotiques.... Le 16ème siècle voit les inscriptions se généraliser, fournissant nom et prénom du défunt. Dans la seconde moitié du 19ème siècle, les éléments décoratifs laissent place a des figures sculptées, en rondes bosses ou hauts reliefs.

 

 

En résumé, on peut affirmer que les cimetières sont des nécropoles à valeur patrimoniale qui sont autant d'héritages, religieux, historiques, artistiques ou bien encore sociaux. Ils sont les témoins d'une culture identitaire, le comportement d'une société donnée face à ses morts. Pourquoi se promener dans un cimetière ? Je dirai qu'il s'agit d'un lieu privilégié, ayant une fonction de rassemblement où s'exprime aussi une fonction sociale. C'est un endroit qui invite à la réflexion dans un environnement calme, empreint de respect, propice à l'introspection, souvent végétalisé. C'est la matérialisation d'un art appelé art funéraire où le cimetière est un musée à ciel ouvert, accessible à tous, inspirant pour les initiés que sont les taphophiles, largement visité pour se recueillir sur les tombes de personnages illustres ou non, sur les tombes des siens en premier lieu. Peu importe pourquoi des personnes visitent les cimetières mais soyons-en sûrs, ils n'ont pas fini de captiver, d'interroger et de susciter toute notre curiosité... Je vous invite à franchir le pas dans tout le respect qui s'impose à ce lieu et aux personnes dont ce moment du deux novembre reste douloureux.

 

 

 

 

Mes amitiés à ceux qui auront lu cette composition jusqu'au bout,

amitiés aussi à ceux qui ne l'auront pas lue du tout !

 

Sylvaine


Sylvaine Piette – Guide Conférencier National Indépendant – Médiateur du Patrimoine

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Composition du 31/10/2019, travail personnel.

 

 

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12, Impasse des Hirondelles

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